Le chemin du Ciel dans les psaumes (2)

Source: FSSPX Actualités

La fidélité à la grâce 

Pour mettre en action l’exaltant programme de vie proposé par le bon Dieu, l’homme doit à la fois éviter le mal et faire le bien. Le Psalmiste le dit explicitement : « Détournez-vous du mal, et faites le bien » (Ps 33, 15). 

1. La vigilance et la prière 

Afin d’éviter le mal, Notre-Seigneur a prescrit comme remèdes préventifs la vigilance et la prière. Parlant des épisodes précurseurs de la fin des temps, il dit à son peuple : « Veillez donc priant en tout temps, afin que vous soyez trouvés dignes d’échapper aux maux qui arriveront, et de vous tenir avec confiance devant le Fils de l’homme » (Lc 21, 36). Aux Apôtres endormis le soir du Jeudi saint, il renouvelle son exhortation : « Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation » (Mt 26, 41). 

La tentation est la porte ouverte au péché. Afin de ne pas y succomber, Notre-Seigneur recommande la vigilance et la prière. Le Psalmiste met déjà en pratique ses sages conseils. Il fait preuve de vigilance dès son réveil : « Ô Dieu, ô mon Dieu, je veille vers vous dès que la lumière commence à paraître » (Ps 62, 1). Saint Robert Bellarmin commente ainsi ces paroles : « À peine s’est levée la lumière de ce monde que j’ouvre les yeux de mon âme vers vous qui êtes la lumière spirituelle et incréée, et je regarde de votre côté avant de regarder aux choses de la terre. Je le fais parce que mon âme vous demande comme sa nourriture et son breuvage, sa joie et sa lumière » (Explication des Psaumes, Vivès, 1856, II, p. 149). 

David veille non seulement le jour mais la nuit : « J’ai veillé pendant la nuit, et j’étais comme le passereau qui se tient sur les toits » (Ps 101, 7). La nuit est propice au péché, mais aussi à la vertu. Aussi, le Psalmiste profite-t-il de la nuit pour méditer sur le sens à donner à sa vie. 

Á la vigilance, il joint la prière. Mais qu’est-ce au juste que la prière ? Saint Thomas d’Aquin l’exprime merveilleusement en commentant le psaume 24 dont le thème est précisément la prière. Ce psaume commence par ce verset qui en donne déjà une belle définition : « Vers vous, Seigneur, j’ai élevé mon âme ; en vous, mon Dieu, je me confie » (Ps 24, 1). Le Docteur angélique le commente ainsi : « On se prépare à la prière tout d’abord par l’élévation de son esprit vers Dieu. Ainsi, on élève son âme par la contemplation de la bonté de Dieu, et cette contemplation est le fruit de l’amour. […] On se prépare à la prière également par la confiance qu’on a en Dieu suivant le conseil de saint Paul : “Approchons-nous avec confiance du trône de sa grâce” (He 4,16) ». La prière a pour origine notre amour de Dieu et elle consiste à nous élever jusqu’à lui avec confiance pour contempler sa bonté. Ayant expérimenté la bonté infinie de Dieu et sa grande miséricorde envers les hommes, David donne ce sage conseil : « Jette tes soucis en Dieu, et lui-même te soutiendra » (Ps 54, 23). 

Dans l’hymne à la charité qu’est le psaume 118, il déclare : « Sept fois le jour j’ai dit votre louange, au sujet des jugements de votre justice » (Ps 118, 164). Le chiffre sept n’est pas à prendre à la lettre mais signifie que David loue Dieu sans relâche. Même la nuit, il n’hésite pas à se tourner vers lui : « Au milieu de la nuit, je me levais pour vous louer au sujet des jugements de votre justice » (Ps 118, 62). 

Au-delà des moments précis où il prie, il vit dans une atmosphère de prière de telle sorte qu’il se trouve constamment près de Dieu. Ses psaumes révèlent la profondeur de sa vie intérieure. S’adressant au bon Dieu, il dit : « Votre loi est ma méditation » (Ps 118, 174). « Tout le jour elle est ma méditation » (Ps 118, 97). « Mes yeux sont toujours tournés vers le Seigneur » (Ps 24, 15). 

Le but de la prière n’est pas de demander à Dieu de se plier à nos désirs, mais de lui demander la grâce de se plier à ses désirs. C’est pourquoi le Psalmiste implore le bon Dieu par ces paroles : « Seigneur, montrez-moi vos voies, et enseignez-moi vos sentiers » (Ps 24, 4). Mais il ne suffit pas de connaître le chemin à emprunter pour atteindre le but de notre destinée, il faut encore le suivre sans se lasser. Pour cela, il est nécessaire d’être de nouveau soutenus par la grâce divine, d’où cette nouvelle demande du saint roi : « Affermissez mes pas dans vos sentiers, afin que mes pieds ne soient pas ébranlés » (Ps 16, 5). 

Après avoir donné l’exemple de la prière, David peut se permettre de formuler aux autres cette exhortation : « Soyez soumis au Seigneur et priez-le » (Ps 36, 6). 

Approprions-nous les sentiments du Psalmiste, pour que Dieu nous accorde de vivre saintement. Abandonnons-nous avec confiance à Notre-Seigneur, et demandons-lui la lumière de la connaissance afin de vivre sans cesse dans l’accomplissement de son bon plaisir. 

2. L’ouverture d’esprit et de cœur 

« [Seigneur], votre oreille a entendu la préparation de leur cœur » (Ps 9, 38). Lorsque l’on parvient à vivre dans une certaine intimité avec Dieu, on a plus de facilité à porter sur lui un regard conforme à la réalité et à s’ouvrir à lui. Le Psalmiste en a fait l’expérience. Il souligne que Dieu est si bon qu’il récompensera non seulement les bonnes actions mais les bonnes dispositions de nos cœurs. C’est ainsi que Bourdaloue interprète ce verset du psaume 9 : « Dieu, scrutateur des cœurs, pénètre le fond du mérite, qui est le cœur. Ce mérite lui est entièrement connu, non seulement de nos actions et de nos œuvres, mais de nos intentions et de nos désirs ; non seulement de ce que nous faisons pour lui, de ce que nous souffrons pour lui, de ce que nous quittons pour lui, mais de ce que nous voudrions faire, de ce que nous voudrions souffrir, de ce que nous voudrions quitter. Ainsi, selon l’expression de l’Écriture, il entend et, par la même règle, il récompense jusqu’à la préparation de nos cœurs ; c’est-à-dire qu’il suffit, pour lui plaire, de vouloir lui plaire, et qu’il suffit de lui avoir plu pour être comblé de ses biens. Combien de prédestinés qui n’ont eu devant Dieu que le mérite de la bonne volonté ? » (Bourdaloue, La récompense des saints, fête de la Toussaint). 

3. La droiture du cœur 

Puisque Dieu est si bon envers nous, ne devons-nous pas de notre côté correspondre à son amour et tout faire pour purifier notre cœur ? Voilà pourquoi, le Psalmiste nous recommande avant tout d’avoir le cœur droit. De nombreux psaumes font l’éloge des « hommes au cœur droit ». Le Psalmiste demande au Seigneur de leur faire du bien (cf. Ps 124, 4), d’étendre sa justice sur eux (cf. Ps 35, 11). Il leur promet la joie (cf. Ps 96, 11 et Ps 106, 42), précise que Dieu est bon pour eux (cf. Ps 72, 1) et que l’on proclamera leurs louanges (cf. Ps 63, 11). Le Seigneur les sauvera (cf. Ps 7, 11) et ils jouiront de la vision béatifique (cf. Ps 139, 14). 

En quoi consiste donc cette droiture de cœur pour bénéficier de telles promesses ? « Qui sont ceux qui ont le cœur droit ? » s’interroge saint Augustin. « Ce sont ceux qui dirigent leur cœur selon la volonté de Dieu » (Discours sur les psaumes, Ps 32, n. 2). La droiture du cœur, c’est la charité, c’est la sainte dilection, c’est le pur amour. Ont le cœur droit « ceux qui veulent tout ce que Dieu veut. Ceux-là sont droits, ceux-là sont justes », déclare Bossuet (La véritable conversion, IIIe dimanche de l’Avent, 1668). 

La pratique des vertus 

« Vouloir ce que Dieu veut » signifie développer les vertus chrétiennes reçues en germe au baptême. Dans le rang des vertus, les théologales c’est-à-dire la foi, l’espérance et la charité ont la prééminence sur les vertus morales. Puisque nous avons déjà décrit l’importance de ces trois vertus dans La vie nouvelle du baptisé, il n’en sera pas fait mention ici.  

Dans la vie courante, d’autres vertus sont bien nécessaires pour favoriser les bénédictions de Dieu sur nous et pour remplir nos devoirs envers notre prochain. Ce sont les vertus morales. Notre-Seigneur a réclamé spécialement la pratique de deux d’entre elles, se citant lui-même en exemple devant ses auditeurs : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur » (Mt 11, 29). 

1. L’humilité 

La vertu par excellence pour nous sanctifier est la charité puisque « Dieu est charité » (1 Jn 4, 8), et la vertu qui laisse place en nous à la charité est l’humilité. L’humilité enlève l’obstacle à la charité. En raison des séquelles laissées en nous par le péché originel, un amour déréglé de nous-mêmes fausse nos rapports avec Dieu et avec le prochain. Aussi, est-il primordial d’acquérir la vertu d’humilité pour nous mettre à notre juste place devant Dieu et devant nos frères. 

Cette vertu est particulièrement agréable à Dieu comme en témoigne le Psalmiste : « Dieu, dit-il, abaisse ses regards vers ce qu’il y a de plus humble au ciel et sur la terre » (Ps 112, 6). Le regard de Dieu dans la sainte Écriture est un regard d’amour, un regard de compassion, un regard de miséricorde. C’est ainsi que Dieu a regardé l’humilité de Notre-Dame comme la Sainte Vierge le dit elle-même dans son Magnificat : « Le Seigneur a regardé l’humilité de sa servante » (Lc 1, 48). 

David a lui aussi recherché la pratique de l’humilité. Aussi peut-il dire également en toute vérité au bon Dieu : « Seigneur, mon cœur ne s’est pas enorgueilli, et mes yeux ne se sont point élevés. Je n’ai pas cherché de grandes choses, ni des merveilles placées au-dessus de moi » (Ps 130, 1). 

L’humble sera récompensé au moment du Jugement dernier. Il n’aura pas à redouter la honte que connaîtront les damnés. C’est pourquoi le Psalmiste déclare : « Que l’humble ne se retire pas couvert de confusion » (Ps 73, 21). Saint Augustin s’interroge : « Quels sont les pauvres d’esprit ? Les humbles, qui reçoivent avec tremblement les paroles de Dieu, qui confessent leurs péchés et qui ne se confient ni en leurs mérites, ni en leur justice. Quels sont les pauvres d’esprit ? Ceux qui louent Dieu lorsqu’ils font quelque bien, et qui s’accusent lorsqu’ils font quelque mal ». 

2. La douceur 

Notre-Seigneur a joint à la pratique de l’humilité celle de la douceur. Mais qu’est-ce au juste que la douceur ? La douceur peut se définir comme un état profond de l’âme, une manière d’agir, ou encore la douceur est l’âme elle-même en tant qu’elle se possède parfaitement. Une âme douce est une âme qui se possède, c’est-à-dire qui se maîtrise et qui par conséquent reste calme en toutes circonstances. 

Une âme douce est encore une âme qui se donne entièrement en toutes ses actions d’une manière qui respecte sa nature et celle des autres. Une personne douce a le respect d’elle-même et le respect des autres. Le Psalmiste parle de la douceur de Dieu : « Le Seigneur est doux et droit » (Ps 24, 8). On peut parler de la douceur à propos de Dieu en raison du calme et de l’amour avec lequel Dieu le Père se donne à son Fils et en raison du même amour et de la même sérénité avec lesquels le Fils se donne à son tour à son Père. 

Notre-Seigneur en tant qu’homme a été doux. Il lui a même réservé une béatitude : « Bienheureux les doux, car ils possèderont la terre » (Mt 5, 4). Le terme « terre » désigne la terre des vivants c’est-à-dire le Ciel. Le Psalmiste entrevoyait déjà la récompense de cette vertu puisqu’il annonçait : « Les doux possèderont la terre » (Ps 36, 11). 

À un autre moment, dans une vision prémonitoire, il se transportait en esprit à la fin des temps et il voyait combien les doux seront alors préservés des malheurs qui fondront sur les méchants. « La terre a tremblé et s’est tue, s’exclamait-il, lorsque Dieu s’est levé pour rendre justice, afin de sauver ceux qui sont doux sur la terre » (Ps 75, 9-10). Saint Robert Bellarmin a explicité ainsi la pensée du roi-prophète : « L’effet du jugement sera de délivrer les doux et les humbles des mains des orgueilleux et cruels persécuteurs, et de leur donner le repos et la paix après la punition de ces derniers. Ces mots, ceux qui sont doux sur la terre, expriment que la douceur est le caractère des chrétiens, imitateurs d’un Dieu qui s’est montré en ce monde comme un agneau plein de mansuétude, qui se laisse égorger sans résister. La douceur est réellement le caractère du christianisme, parce que, par elle, on se soumet à la foi, aux promesses de l’espérance et aux commandements de la charité ; elle renferme ainsi toutes les vertus ». 

3. La patience 

Une autre vertu bien utile pour être agréable à Dieu et à son prochain est la patience. Saint Paul dit que « la charité est patiente » (1 Co 13, 4). La patience permet d’attendre l’heure de la récompense sans se décourager devant les difficultés. 

Le Psalmiste nous exhorte à la patience en disant : « Ceux qui attendent le Seigneur, ceux-là posséderont la terre en héritage » (Ps 36, 9). « Et maintenant, quelle est mon attente ? N’est-ce pas le Seigneur ? » (Ps 38, 8). Origène commente ainsi les paroles inspirées : « Comme le Seigneur est Sagesse, Paix et Justice, il est aussi Attente et Patience. Et de même qu’en participant à sa justice, nous devenons justes, et sages en participant à sa sagesse, de même aussi, en participant à sa patience, nous devenons patients ». Daigne Notre-Seigneur nous communiquer sa patience afin que nous puissions conserver la sérénité dans les épreuves de la vie ! 

4. De vertu en vertu 

La vie sur terre doit être une ascension continuelle vers Dieu. Voilà pourquoi le Psalmiste, contemplant la vie des justes, disait : « Ils iront de vertu en vertu, ils verront le Dieu des dieux en Sion » (Ps 83, 8). Bossuet part de ce verset pour montrer comment Notre-Seigneur est notre modèle et comment nous pouvons toujours progresser sur l’échelle des vertus : « Le Fils de Dieu [est] l’exemplaire de notre vie. Nous voyons dans ses actions premièrement la lumière de ses vertus, qui nous doit conduire ; et en second lieu la perfection, où nous ne pouvons parvenir. Il faut donc courir incessamment après lui selon la mesure qui nous est donnée. […] D’où je conclus que la perfection du christianisme ne consiste point en un degré déterminé. Par conséquent, ne vous lassez jamais de monter, allez de vertu en vertu, si vous voulez voir le Dieu des dieux en Sion » (Vêture de Marie-Anne de Saint-François Bailly, 1681). 

En route vers le Ciel 

Pour clore ces réflexions sur la nature du chemin qui mène au Ciel, nous pouvons faire nôtre la prière que le Psalmiste adressait au Seigneur : « Conduisez-moi dans la voie éternelle » (Ps 138, 24). 

« Quelle est cette voie éternelle ? », se demande saint Jean Chrysostome. « La voie spirituelle qui conduit au Ciel et qui n’a pas de fin. Toutes les autres choses sont de courte durée, renfermées qu’elles sont dans l’espace si étroit de la vie présente. Le Psalmiste laisse donc tous ces biens passagers pour s’attacher à ce qui est immortel, éternel, infini. Or, comment parvenir à cette voie ? Il faut pour cela joindre au secours de Dieu ses efforts personnels, s’appliquer à la pratique de la vertu, de la sagesse, et chercher à se rendre supérieur à tous les événements de cette vie. Rien de ce qui a rapport à la vie éternelle n’est passager ou périssable. Le privilège de la vertu est d’avoir toujours des fruits pleins de vie et qui ne se flétrissent jamais, des biens immortels et infinis en douceur autant qu’en durée ». 

Que ces propos bien encourageants et stimulants nous affermissent dans le bien et nous aident, à la suite du Psalmiste, à poursuivre à pas d’amour notre route sur le chemin du Ciel. 

Abbé Patrick Troadec