Pèlerinage de Pentecôte 27-28-29 mai 2023

Source: District de Belgique - Pays-Bas

Préface

L’Apôtre de la charité dans son discours après la Cène disait à ses disciples : « Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a eu en haine avant vous. Si vous aviez été du monde, le monde aimerait ce qui est à lui ; mais parce que vous n’êtes pas du monde, et que je vous ai choisis du milieu du monde, c’est pour cela que le monde vous hait » (Jn. XV, 18-19).

Pourquoi donc nous étonner aujourd’hui lorsque nous sommes malmenés ? N’est-ce pas plutôt l’occasion de comprendre quelle grâce nous a faite le Bon Dieu de traverser ce siècle en chrétiens intrépides, forts de la lumière dont il nous inonde en abondance ?

A l’orée de son ministère public, alors qu’il commence déjà à être suivi par des foules considérables, ainsi que le précise saint Matthieu, Jésus prononce son magnifique discours des béatitudes et il ne craint pas d’avertir tant ses disciples que tous ceux qui le suivent : « Bienheureux serez-vous quand on vous outragera, qu’on vous poursuivra, qu’on dira mensongèrement toute sorte de mal contre vous à cause de moi » (Mt. V, 11).

Ce discours inaugural paraîtra un peu dur si l’on oublie que Dieu donne toujours les grâces pour accomplir ce qu’il nous demande ; il pourrait même sembler un peu effrayant à celui qui ne lirait pas correctement cette longue description du disciple de Jésus-Christ. Mais cette charte que Notre-Seigneur nous donne, il l’accomplit pour nous montrer l’exemple et par là nous rassurer. Jésus dit de lui-même qu’il est un consolateur.

Le Sermon sur la montagne avec ses béatitudes est un des textes évangéliques majeurs pour la vie chrétienne. Jésus parle avec autorité, il répète une vingtaine de fois : « Et moi je vous dis… ». Il met en contraste la loi nouvelle, la loi évangélique, avec la loi de Moïse périmée d’une part, et d’autre part avec le mode d’agir factice des païens.

Avant même d’avoir écrit ses Confessions, saint Augustin a commenté ces béatitudes et le Sermon sur la montagne. C’est sa première œuvre pastorale. A peine a-t-il accédé au sacerdoce, au début de 391, que son évêque Valère le charge de la prédication à Hippone. Pour se préparer à cette nouvelle fonction, il se retire et se consacre à l’étude biblique et à la prière. Il voit dans ce discours de Notre-Seigneur le modèle parfait de la vie chrétienne ; voilà ce qu’il dit à trois reprises : « Celui qui méditera, avec piété et sobriété, le Sermon que le Seigneur a prononcé sur la montagne, je pense qu’il trouvera en lui le modèle parfait de la vie chrétienne en ce qui regarde les mœurs les meilleures ». L’intuition du docteur d’Hippone tient dans la description des sept degrés ou étapes qui conduisent le chrétien de l’humilité (ou pauvreté en esprit) à la sagesse et à la vision de Dieu. Les sept (ou huit) béatitudes couvrent donc toute la vie du chrétien depuis sa conversion jusqu’à la plénitude du bonheur où elles s’achèvent : la vision de Dieu tel qu’Il est. On peut voir dans le commentaire de ce prêtre, très bientôt évêque, comme une première exposition de ce que seront les Confessions d’un homme, de cet homme si ordinaire, converti par la grâce et retourné par la Miséricorde infinie de Dieu. Les béatitudes décrivent finalement l’itinéraire que le saint a suivi depuis sa conversion, et cette voie le mène à la Sagesse éternelle à laquelle il aspire de toute son âme. Il l’a commenté, il l’a suivi, et il est saint.

Cet homme, c’est chacun d’entre nous.

A nous de l’imiter, ou plutôt de suivre Notre-Seigneur sur nos routes d’exil pour atteindre en toute confiance La Béatitude et obtenir dès ici-bas les fruits de nos actions vertueuses.

Car les récompenses attribuées aux béatitudes ne sont pas seulement pour le ciel. Saint Augustin dit encore : « Ce sont là choses qui peuvent en cette vie se trouver accomplies, comme nous croyons qu’elles l’ont été chez les Apôtres ». Et en effet, l’espérance du bonheur du ciel est déjà un commencement de la béatitude à venir ; nous voyons, chez de saintes personnes, cette aspiration au ciel. La nature en témoigne : l’espérance que l’arbre va fructifier est différente au moment de la frondaison verdoyante et au moment où commencent d’apparaître les fruits. Toutes les récompenses promises seront parfaites dans la vie future, mais nous en avons dès maintenant un avant-goût. Quand un enfant commence à marcher, on ne doute pas que, bien vite, il pourra courir seul.

Les béatitudes sont donc l’itinéraire spirituel que le Maître des maîtres, Jésus, Dieu fait homme, a mis à notre portée dans sa Sagesse éternelle. Il nous a montré lui-même comment l’accomplir. Cet itinéraire est savamment gradué pour que, qui que nous soyons, nous l’empruntions.

Ce livret est notre guide de voyage vers le ciel ; il ne nous suffit donc pas de le consulter vaguement pendant ce pèlerinage de trois jours, de Chartres à Paris.

Saint Thomas affirme que les béatitudes sont admirablement ordonnées en trois phases pour nous donner à Dieu et détruire en nous cette triple concupiscence qui nous éloigne trop souvent de Lui. Il faut d’abord nous purifier d’une vie qui laisse libre cours à nos passions parce qu’elle est trop attachée aux biens de ce monde. Il faut ensuite nous employer à bien proportionner nos rapports avec Dieu et le prochain, en travaillant avec fruit à la vie active contre un égoïsme envahissant. Enfin, au-dessus de tout, il faut tendre à cette union à notre Sauveur pour vivre vraiment de Lui. Saint Paul l’a dit et pratiqué : « Pour moi, vivre, c’est le Christ » (Phil. I, 21).

Tout l’art d’un voyage consiste dans l’ordre qu’on va lui donner. Quel est le début, le point de départ, et quelle est l’arrivée, c’est-à-dire la fin ? Débarrassons-nous de ce qui nous encombre pour parvenir plus sûrement au but fixé. Ce beau livret nous fait suivre cette voie harmonieuse pour n’atteindre rien de moins que La Béatitude.

Saint Augustin a été converti subitement. Nous, nous devons patiemment renoncer aux pompes du démon, à toutes ses séductions, et gravir ces trois degrés pour revêtir le Christ. Notre année devra donc être une patiente préparation pour que ce pèlerinage soit le temps privilégié d’une vraie conversion à Jésus-Christ.

Suresnes, le 3 septembre 2022, en la fête de saint Pie X,

Abbé Benoît de Jorna Supérieur du district de France de la Fraternité Saint-Pie X